Xx.. Marche Solitaire ..xX

Murtagh posa une patte sur le tronc. Couché, recouvert de mousse et haut de presque deux mètres, il était certainement l’un de ses grands sages de la forêt, déraciné par la tempête d’il y a quelques jours.
Les pattes arrières du loup se courbèrent, puis il bondit. Il se réceptionna sur le tronc immobile, dérapant légèrement à cause de la mousse humide. Ses griffes laissèrent des traces, creusant le matelas de verdure. Son regard stoppa un instant sur le sol après l’obstacle. Des traces. Un loup. Murtagh inspira. Un allié. Son odeur indiquait qu’il était de la meute de l’Est.
Les muscles du loup brun se détendirent. Il fixa au plus loin qu’il pouvait voir, face à lui. Entre les racines emmêlées et couvertes de terre de l’arbre, son regard se perdit entre les grands feuillus de la forêt. Il avança de quelques pas, puis sauta et continua son chemin.

Une douce lumière filtrait à travers les branches et feuilles des arbres. Ses rayons éclairaient le pelage du loup, le zébrant de poils plus clair, semblant s’embraser. Les oreilles droites, attentif, son pas se faisait bien plus souple que d’habitude. Une souplesse pas naturelle, en raison de l’excès d’humidité, qui l’obligeait à marcher ainsi pour laisser le moins de traces possible.
Mais la terre humide l’empêchait de laisser son chemin totalement vierge, malgré ses efforts. Il fit un détour pour éviter de s’approcher d’un terrier de blaireau, bien vingt mètres avant l’entrée de son territoire, l’odeur l’aillant atteint tant elle était forte. Car il connaissait le caractère particulier de ceux-ci. Il n’était pas d’humeur à se battre.
Sa marche se prolongea ainsi d’une heure, sans qu’il ne flaire la moindre proie potentielle. Les lieux étaient déserts. Murtagh en était à s’interroger sur cette absence inhabituelle d’animaux quand il sentit une odeur. Un loup – ou louve ? – de la meute de l’Est. Un ami, donc.
Murtagh s’assit, attendant patiemment son frère – ou sœur – de meute. Celui-ci était d’ailleurs encore trop loin pour qu’il puisse reconnaître son sexe. L’odeur lui était aussi inconnue. Jamais croisé ? Ou un jeune tout juste sortit de la tanière ?

Puis il se souvint de son « lunatisme ». Un doute l’assailli. Il gratta le sol de sa patte. Geste nerveux. Devait-il rester, ou pas ? Son « autre » caractère viendrait-il ?
Ces questions tournaient dans sa tête, puis il se résigna. Le canidé l’avait surement flairé depuis plus longtemps que lui, puisque le vent était en sa faveur.
Ce fut donc le poil gonflé d’anxiété qu’il attendit le visiteur.

Un des rares rayons du soleil qui était parvenu à traverser l'épaisse couche de feuillage des arbres de la forêt vint s'échouer sur un corps poilu, allongé tranquillement au sol. Le corps en question, d'un couleur gris/ brun, possédait tous les attribus d'un loup, fort heureusement car s'en était bien un. Atila, le regard tourné vers le ciel invisible, méditait. La beauté sereine du lieu, à peine troublée parfois par le vol d'un oiseau ou le passage d'un écureuil, semblait avoir son effet sur l'irascible loup gris. En effet, Murtagh n'avait pas à s'en faire, car ce jour là, Atila était d'excellente humeur.

Celui-ci huma l'air, et toutes sortes d'odeur vinrent à ses narines. Parmis celles-ci, il en sentit une qui un moment, l'intrigua. C'était un loup, certes, et si il en croyais son flair, de la meute de l'est. De la sienne. Atila n'avait jamais pensé à la quitter, même préférant la solitude. Peut être était ce son côté sentimental venant de son père qu'il ne croyait pas avoir. Lentement, il se releva, puis jeta un regard dédaigneux à ses longues pattes couvertes de terre. Puis, lentement, avec la démarche silencieuse qui caractérisait son espèce, il se dirigea vers l'odeur inconnue.

La forêt, que la tempête avait laissée encore humide, était truffée de pièges. Des animaux déboussolés s'activaient à reconstruire leurs terriers noyé ou leurs nids, d'énormes troncs s'étaient laissé échouer sur le sol, les pierres du chemin étaient couverte d'une mousse glissante... Atila n'en voyait plus la fin, mais il finit par finalement apercevoir la silhouette d'un de ses frères de meute. Veillant à ne pas s'approcher au cas où le loup en question aurait des envies meurtrières, comme il avait constaté que ça arrivait parfois, il escalada rapidement un rocher gris en partie épargné par la mousse, et s'assit, bien en vue, tout en haut, plaçant un regard pensif sur le loup plus très loin.

[ Désolée de ne pas être venue, j'ai eu le mariage de ma cousine ^^ ].

Murtagh était dans un tel état d’agitation interne que son poil se hérissait et se plaquait nerveusement. Ses oreilles étaient sans cesse en mouvements, tentant de capté le moindre bruit lui indiquant que le canidé était là.
Ce furent ses yeux, et non ses oreilles, qui lui firent remarquer la présence du loup. Ce dernier, bien silencieux, avait fait attention à ne laisser aucun être vivant l’entendre. Le sol humide l’aidait aussi beaucoup.
Murtagh le détailla du regard en prenant un air tranquille. Grand, musclé, les pattes et le dos puissants, ce loup était sans contexte un guerrier. Les chasseurs avaient un corps plus fin, plus svelte, et donc plus souple. Le poil gris du loup partait aussi vers le brun et le beige, donnant quelques reflets roux avec le soleil.
Murtagh le vit prendre un peu d’élan, puis sauter sur un rocher gris, bien en vue. Le loup gris s’assit et posa son regard sur lui. Murtagh avait l’impression de passer aux rayons X, tant que sa nervosité monta encore d’un cran. Mais le loup était passé maître dans l’impassibilité. Son visage ne trahissait rien, et son corps non plus.
Lentement, Murtagh se leva et fit quelques pas vers le loup gris. Son attitude entière montrait qu’il n’avait aucunes intentions agressives.

Un autre canidé de l'Est se trouvait là. Enfin, plutôt une autre. Oui, c'était une louve qui se faufilait entreles arbres, son corps positionné tel qu'elle ne fusse pas repérable par l'ouïe. Fushin était partie le matin-même comme tous les jours,pour se changer les idées, ses pensées allant à sa mère ou aux loups noirs qu'elle aurait voulu exterminer tous en même temps d'une patte meurtrière armée de griffes d'un mètre de long. Oui, elle l'aurait voulu ça, pouvoir tous les tuer ces crétins. Mais, elle ne le pouvait pas. Certes, sa force était dupliquée par l'étrange maladie pesant sur les femelles, mais ce n'était pas la force qui lui manquait, mais l'envie. Elle était lassée de tout, elle ne voyait plus aucun gout à la vie, et, même cette vengeance bien méritée accomplie, elle ne s'en serait pas senti apaisée. Fushin était blessée intérieurement, et, elle le resterait toujours, jusqu'à sa mort, qui viendrait peut-être plus tôt que prévu. Bref, la femelle de l'Est déambulait le regard terne et le pelage crasseux. Néanmoins, avant de sentir les odeurs d'Atila et Murthag,le bruit des sabots d'une jeune biche à peine sortie de l'enfance attira ses sens pourtant endormis par la mélancolie. Reprenant son instinct de prédateur, avançant dans un silence parfait, elle s'approcha de plus près de la proie au pelage clair et au ventre blanc crème. Allez, une petite chasse, elle pouvait bien se l'autoriser, autant vivre un moment intense pour couper un peu avec la monotonie de ses journées depuis le décès de sa tendre mère.

Fushin, ses yeux pétillants rivés sur la biche vulnérables adoptait une parfaite attitude de chasseresse, sa queue touchant à peine le sol pour ne pas éveiller les sens de la proie, ses pattes pliées jusqu'à en avoir mal pour épousser les bruits du sol et la respiration retenue pour qu'aucun souffle ne sorte de sa gueule, Fushin avançait de plus en plus près vers la biche. C'est quand elle ne se trouva plus qu'à un mètres de sa victime que les effluves des odeurs des deux mâles coupèrent son élan. Oh NON ! La biche aussi allait les repérer. Il n'y avait plus de temps à perdre. Les pattes arrières, moteur de la jeune louve, la propulsèrent vers le cou tendu de sa proie. Un rugissement menaçant sortit de sa gueule et ses crocs luisèrent sous la lumière du soleil. Fush' planta ses canines dans la cou de l'animal et la jugulaire vulnérable fut tranchée. Néanmoins, rassemblant le peu d'energie disponible qui lui restait, le cervidé échappa aux griffes de Fushin et partit dans un galop de panique où elle ne voyait pas à un mètre d'elle, complétement affolé, les yeux embrumés par la douleur et la peur. Sentant l'ivresse de la chasse la gagner après des mois d'inaction, Fushin se jeta à la poursuite de la proie et, elle déboucha à l'endroit où les deux mâles se tenaient, droits comme des I. Elle poussa une dernière fois sur ses muscles amigris par le manque de nourriture - elle refusait catégoriquement de manger désormais - elle sauta sur la biche qui s'affala dans un souffle rauque avant de rendre l'âme. Affamée et épuisée par tant de sport sans apports nutritionnel, Fushin se laissa tomber sur sa victime, la tête posée sur le corps encore chaud de la biche, dans un état de léthargie prononcée. Beau salut, dîtes donc '=)